Pas de pacte indestructible ni d’équation magique : les BRICS, sur le papier bloc impressionnant, s’apparentent dans les faits à une alliance bien plus complexe, aux arêtes saillantes et aux loyautés changeantes. La promesse d’une alternative puissante à l’Occident se heurte à des fractures internes, souvent plus profondes qu’il n’y paraît.
Des ambitions communes face à des réalités contrastées : comprendre l’élargissement des BRICS
Le groupe des BRICS, Chine, Inde, Russie, Brésil, Afrique du Sud, s’est fixé pour objectif de peser lourdement sur l’économie mondiale et de représenter la moitié des habitants de la planète. Sur le papier, l’ensemble a de quoi impressionner : gigantesques marchés intérieurs, croissance soutenue, et un PIB cumulé qui dépasse celui du G7 si l’on raisonne en parité de pouvoir d’achat. Pourtant, la façade s’effrite dès que l’on s’attarde sur les rouages internes.
L’élargissement récent, marqué par l’entrée de l’Arabie Saoudite et des Émirats Arabes Unis, traduit une volonté d’élargir la sphère d’influence du groupe. Mais chaque nouveau membre arrive avec ses propres priorités et son agenda, parfois éloigné de celui des autres. Les intérêts énergétiques du Golfe ne se calquent pas sur les stratégies chinoises ou indiennes. L’Afrique du Sud cherche à défendre la voix du continent africain, mais ses capacités économiques restent sans commune mesure avec celles de la Chine ou de l’Inde.
Pour mieux saisir la diversité et les tensions qui structurent le groupe, voici les principaux points de friction :
- Déséquilibres internes : la Chine concentre plus de 70 % du PIB total des BRICS, ce qui crée une asymétrie flagrante.
- Rivalités régionales : les tensions persistantes entre la Chine et l’Inde limitent toute dynamique réellement collective.
- Diversité des régimes politiques : d’un modèle autoritaire à une démocratie parlementaire, difficile d’adopter une position commune sur les grands enjeux.
L’objectif de s’opposer à l’hégémonie occidentale se heurte à ces fragilités structurelles. Dès qu’un intérêt national ou régional émerge, l’idée d’un agenda unifié vacille. En façade, l’unité s’affiche haut et fort lors des grands rendez-vous internationaux, mais les arbitrages se font à huis clos, loin des communiqués triomphants. L’élargissement du groupe ne gomme pas les contradictions, il les éclaire davantage.
Quels défis économiques et géopolitiques freinent la cohésion du groupe ?
Les faiblesses des BRICS se concentrent sur les divergences économiques et politiques qui traversent le groupe. Sur le terrain de la gouvernance, la Chine s’impose, captant une large part du PIB et influant fortement sur les décisions. Ce déséquilibre alimente la méfiance, en particulier du côté de l’Inde, dont l’économie progresse rapidement mais qui craint de se retrouver sous l’emprise de Pékin.
Les tensions sino-indiennes ne datent pas d’hier : elles puisent dans des décennies de rivalités, de frontières contestées et de stratégies régionales antagonistes. L’Inde reste à distance de certains projets chinois, comme la Nouvelle Banque de Développement ou les investissements massifs en Afrique. De son côté, la Russie, fragilisée par les sanctions occidentales, tente de s’appuyer sur ses partenaires mais peine à s’imposer face à la Chine et à l’Inde.
Quelques éléments illustrent ces dynamiques complexes :
- La Diversité des modèles économiques pèse sur la coordination : l’Afrique du Sud et le Brésil sont encore très marqués par les inégalités sociales et la dépendance aux matières premières.
- Les politiques nationales, souvent en opposition, limitent les chances d’une stratégie réellement commune sur des thèmes comme l’Investissement ou l’Innovation.
- L’entrée de l’Arabie Saoudite et des Émirats ajoute de nouveaux intérêts, principalement énergétiques, qui ne recoupent pas toujours ceux de l’Inde ou du Brésil.
La Nouvelle Banque de Développement peine à rivaliser avec les grands acteurs financiers occidentaux. Les fonds mobilisés restent limités au regard des besoins massifs en infrastructures des pays en développement. En pratique, la coopération se fragmente, tiraillée entre alliances de circonstance et priorités nationales affirmées.
BRICS et Occident : une rivalité aux conséquences incertaines pour l’ordre mondial
La confrontation entre les BRICS et l’Occident redessine les équilibres mondiaux, mais les lignes de fracture résistent. Sommet après sommet, les BRICS affichent leur volonté d’échapper à la domination du G7, de l’Union européenne et des institutions comme le Fonds Monétaire International ou la Banque Mondiale. Le discours se veut offensif, l’ambition claire : proposer une alternative crédible au modèle occidental. Mais la réalité des rapports de force s’invite rapidement.
La Nouvelle Banque de Développement incarne cette volonté d’émancipation : offrir une option aux Pays en Développement en dehors des circuits occidentaux. Toutefois, les moyens restent loin derrière ceux de la Banque Mondiale. L’arrivée de membres comme les Émirats Arabes Unis, l’Arabie Saoudite ou l’Iran vient encore compliquer l’équilibre interne et accentuer les tensions géopolitiques avec l’Occident.
Les BRICS couvrent près de la moitié de la population mondiale, mais avancent de manière dispersée sur les grandes questions stratégiques. Russie et Chine trouvent parfois un terrain d’entente, mais la méfiance demeure entre la Chine et l’Inde. Les nouveaux membres apportent leurs propres priorités, notamment en matière d’énergie, souvent éloignées de celles du Brésil ou de l’Afrique du Sud.
D’un point de vue économique, le groupe peine à définir une trajectoire commune face à des acteurs comme l’Union Européenne ou les États-Unis. Les politiques nationales, la dépendance aux ressources naturelles et la pluralité des modèles sociaux empêchent toute montée en puissance réellement coordonnée. Les ambitions collectives se heurtent à la réalité d’intérêts divergents, laissant la promesse d’un nouvel ordre mondial suspendue, entre rivalité affichée et désunion persistante.


